Puiseaux et ses monuments


Nous ne possédons aucun document antérieur à 1112 sur la ville : les textes utilisant les mots de Putelolus-Puteolis-Puisacum s’entendent de huit lieux différents qu’il est facile de confondre. Les batailles de 1031 à 1108 qui se déroulèrent autour de « Puteolis castro » eurent lieu au Puiset, à quelques kilomètres de Janville et non à Puiseaux comme Dom Morin et d’autres chercheurs le crurent.
D’après les recherches les plus récentes sur la toponymie, Puiseaux veut dire « petit puis » (du latin puteolis, diminutif de puteus, en latin populaire le mot devient putiolus). Ce serait un nom d’origine gallo-romaine et les premiers habitants de la ville s’y installèrent avant le 3ème siècle. Quoiqu’il en soit, Puiseaux n’apparaît dans l’histoire qu’au 10ème siècle.
C’était alors à cette époque, une petite agglomération d’environ 500 habitants vivant autour de l’église Saint Sulpice dépendant des religieux de Saint Séverin de Château-Landon, et autour de l’église Saint Pierre dépendant des religieux de Ferrières (l’actuel Faubourg St Père). Les hameaux les plus importants étaient alors le Bréau, les Hautes Maisons, le Metz. L’ensemble du territoire de l’actuelle commune dépendait du seigneur de Château-Landon. Louis VI ayant réussi à tenir en respect les seigneurs du domaine royal, jugea plus prudent d’établir en limite de ses territoires des monastères et des prieurés, sorte de glacis en même temps que moyens psychologiques pour éviter les conflits. En 1112 il fonda à Puiseaux un monastère de chanoines de Saint Augustin ; mais l’année suivante, sur les instances de Guillaume de Champeaux, il transforma ce monastère en prieuré, le faisant dépendre du monastère de Saint Victor de Paris. Ce roi dota cette fondation de terres et établit à Puiseaux un  marché hebdomadaire et une foire annuelle ; il commença la construction d’une nouvelle église dédiée à Notre-Dame et fit établir des remparts autour de la ville. 
Un bienfaiteur, Gauthier de Nemours, aida considérablement le développement de la ville : grand chambellan de Louis VII et de Philippe Auguste, Gauthier édifia rapidement une importante fortune sans oublier cependant de faire de nombreuses libéralités aux monastères. Mais cette fortune fut dissipée avec autant de facilité qu’elle fut acquise, aussi fut-il obligé de vendre aux moines de Saint Victor ses terres de Châtillon, du bois Gauthier, du Metz, de Bardilly…. A cette époque de prospérité, la population s’accrut rapidement s’élevant à environ 1000 habitants. La ville fut dotée d’une halle pour ses marchés, d’une école de garçons, d’une maladrerie pour les lépreux et d’un hôtel-Dieu. La foire du 8 septembre qui sous Louis VII durait une semaine, devint la plus importante manifestation commerciale de la région, attirant les marchands de fort loin. Les habitants du faubourg Saint Père voulurent eux aussi avoir un marché et une halle, ce qui, on s’en doute, amena de nombreuses contestations.
Ainsi Puiseaux sous la sage direction de ses prieurs s’organisa, devenant un important centre de commerce et d’industrie (corroyage, tannage, tissage…). Mais derrière une apparente richesse se cachait de nombreuses misères : la tradition prétend que Saint Louis vint plusieurs fois à Puiseaux pour y soulager les pauvres.
Pendant la Guerre de Cent Ans, la ville resta bien calme : les luttes entre les prieurs et les seigneurs de la région ne génèrent guerre les habitants qui n’en furent affectés que financièrement. Certains cultivateurs et plusieurs commerçants furent ruinés à la suite des ravages fait par les bandes de pillards qui envahirent la région à cette époque ; mais l’ensemble de la population de Puiseaux n’eut que très peu à en souffrir. Ayant adopté le parti bourguignon, un des prieurs mourut en prison à Milly et un autre Jean le Boîteux, devint en 1400 abbé du monastère de Saint Victor. Le roi Louis XI comprenant que la prospérité d’un pays dépend de son commerce et de son industrie, releva efficacement le marché de Puiseaux, faisant établir en outre un poste de notaire et donnant un sceau à la ville. Les visites fréquentes du roi furent pour les commerçants et les artisans le meilleur encouragement, et sa présence permit un nouvel essor de la ville dont la population atteignit près de 1600 habitants.
Au 15ème siècle un prieur de valeur, André de Rély, frère du confesseur de Charles VIII, commença d’importants travaux d’agrandissement : il fit faire de nouvelles fortifications, fit édifier une nouvelle halle, fit aménager l’église. Mais, probablement pour des motifs politiques, il fut brutalement assassiné par les frères Hutin de Châtillon. Ses successeurs continuèrent son œuvre, surtout le prieur Jacques de Bruges ; ils clôturèrent entièrement la ville et terminèrent en 1519 l’aile inachevée de l’église. La porte Saint Jacques fut longtemps l’un des plus beaux monuments de  la région.
Sous François Ier les prieurs disparurent, laissant l’administration de la ville à des échevins, comme dans les plus grandes villes du royaume. La population dépassait 2000 habitants, formée principalement de plus de 200 commerçants et artisans tenant boutique. Ce fut la période la plus prospère de Puiseaux qui par la suite vit son importance décroître au profit de Pithiviers et des petites villes voisines : Beaumont, Boynes, Beaune la Rolande.
Les guerres de religion ne touchèrent pas directement Puiseaux : les armées protestantes ne cherchèrent pas à forcer une ville bien protégée par ses remparts et n’offrant pas d’intérêt stratégique. La duchesse de Nemours, habile politique, réussit à garder son duché en dehors des luttes civiles, ne se souciant guère de voir s’y implanter le protestantisme. Si l’armée de Condé passa sous les murs de la ville, l’éloquence du bailli Julien Berthier et ses présents dissuadèrent le prince d’en faire le siège. Le roi Henri IV et Louis XIII passèrent plusieurs fois à Puiseaux au cours de leurs voyages entre Fontainebleau et Orléans, logeant dans le prieuré ; mais ils ne se soucièrent pas du développement de la vile, se contentant de faire payer les principales rues.
Les 17ème et 18ème siècles furent bien calmes à Puiseaux où le commerce et l’artisanat demandaient pour avoir leur plein développement travail et paix. Mais, mal desservie par les routes, n’ayant pas de personnage influent pour défendre ses intérêts auprès du conseil royal, n’étant pas sur le passage des courriers réguliers, la ville tomba dans une période de léthargie. Les abbés commendataires de Saint Victor se souciaient peu de Puiseaux, se contentant d’en tirer des revenus, et ni les curés portant le titre de prieurs, ni les échevins, n’avaient assez d’influence pour obtenir une aide substantielle. A côté de Puiseaux dont la population se stabilisait autour de 1800 habitants, Pithiviers prenait une importance de plus en plus grande, reléguant Puiseaux au rôle de centre commercial secondaire. En outre, si étrange de cela paraisse, Puiseaux connut de grands fléaux : Les inondations de 1517-1658-1698-1781-1787 provoquèrent de nombreux dégâts. Celle de 1698 fut la plus terrible, faisant 80 morts et amenant la perte de 600 à 700 bêtes ainsi que le sinistre de 207 maisons. Une épidémie de peste sur laquelle nous sommes mal renseignés causa en 1629 la mort de plus de 350 personnes. Rien d’étonnant que Pithiviers attirât les principales familles bourgeoises de la région et devint un lieu de rendez-vous des nobles au détriment de Puiseaux.
Il ne faudrait pas cependant supposer que toute activité ait été ralentie à Puiseaux : avec son tribunal, ses deux ou trois notaires suivant les époques, ses marchands et ses bourgeois, ses artisans nombreux, ses écoles de garçons et de filles, son marché et sa foire annuelle, la ville gardait une certaine importance. La Révolution fut bien accueillie par l’élite de la population : on y désirait des réformes administratives et une expansion de la ville. Mais il manquait des hommes d’envergure pour arriver à un résultat et les quelques personnes susceptibles de prendre en mains les destinées du pays, Antoine Bitry, Claude Chevillard, le curé Meigret-Collet, ne surent pas se dégager à temps des querelles locales. Devenant simple chef-lieu de canton à l’extrémité du département il n’était pas possible que Puiseaux devienne une grande ville. Un homme, Antoine Dumesnil, prit la tête du mouvement révolutionnaire, évinçant les concurrents possibles en leur confiant des responsabilités telles qu’il put les amener à ses vues.
Autour de Puiseaux se cristallisa la résistance paysanne aux impôts et en 1791 la ville devint le centre de la révolte contre le champart ; ni l’armée, ni l’Assemblée nationale n’osèrent imposer leurs vues et le champart fut supprimé. (On vit à cette occasion se dresser une potence sur la place principale et les murs des bâtiments publics couverts de tracts violents, mais personne ne se risqua à les faire enlever. Le commandant de Château-Thierry chargé de maîtriser la révolte des paysans du Gâtinais ne réussit à éviter les effusions de sang que par des prodiges de diplomatie. Il fallut que l’Assemblée cède pour faire cesser la révolte).
L’église de Puiseaux fut saccagée et on y fit des cérémonies patriotiques : culte de la Raison, Théophilanthropique, Décadaire s’y succédèrent, mais jamais ni le curé Meigret-Collet, ni les autres prêtres réfugiés à Puiseaux ne furent sérieusement inquiétés. Les plus fougueux révolutionnaires surent ménager leurs adversaires et la Terreur n’y fit aucune victime. Par contre, plus de vingt jeunes donnèrent leur vie dans les armées de la Révolution et de l’Empire.
Deux hommes sortirent auréolés sur le plan local de la Révolution : Antoine Dumesnil fils, qui occupa longtemps le poste de maire et Cantin Pannier, natif de Puiseaux, ancien vicaire, puis curé de Malesherbes, qui succéda à Meigret-Collet comme curé. En 1814, les cosaques traversèrent la ville, moyennant un bon repas offert au général Tchernichef, le pillage fut évité : Puiseaux s’en tirait bien.
En 1870, le 19 novembre, le IIIème corps de l’armée du prince Frédéric-Charles campa à Puiseaux : un officier prussien ayant été tué, le maire et six notables furent emmenés et la ville eut une forte amende à payer, mais il n’y eut pas de pillage.
En 1940, il n’y eu ni bombardements ni combats à Puiseaux, et la ville sortit indemne de la guerre. Depuis, Puiseaux essaie de reprendre un essor stoppé longtemps, espérons que les perspectives industrielles lui permettront de la réaliser.
Abbé Michel Gand
La vieille église Notre-Dame, avec son élégant clocher hélicoïdal, vestige précieux du 13ème siècle, par l’Abbé Lanson, curé de Puiseaux 
Le voyageur ou le marchand d’autrefois, attirés par la renommée du marché de Puiseaux, devaient être favorablement impressionnés quand, arrivés en vue de la ville, ils découvraient, dominant les murs et les tours des fortifications, les toits des maisons bourgeoises et rurales, l’ensemble imposant de l’église Notre- Dame, son clocher à la flèche originale et gracieuse. L’église Notre-Dame était bien le centre de la ville, et l’œuvre des religieux de Saint Victor dépassait ce qu’on pouvait espérer trouver dans un simple bourg rural, bien que celui-ci fut un marché important. En effet, le souci d’une architecture très pure s’allie, dans cette église du 13ème siècle, à l’originalité des détails, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Et le voyageur d’aujourd’hui, malgré l’attrait de la route et la griserie de la vitesse, est attiré lui aussi, par cette église, ce clocher, cette flèche. Conseillons-lui de s’arrêter pour une visite : il ne le regrettera pas.
S’il arrive par la place du Martroi, venant de Paris ou de Pithiviers, le voyageur est agréablement surpris par la façade bien dégagée. Le porche est élégant, avec ses deux colonnes et la voussure à ressauts de la porte principale où l’on peut remarquer une belle Vierge à l’Enfant du 14ème siècle. De chaque côté un portail secondaire correspond aux basses nefs, celui du sud étant, comme le collatéral, sud-ouest, du 15ème siècle.
Avant de pénétrer à l’intérieur, nous conseillerons au visiteur de regarder d’abord l’extérieur, par le jardin public où il aura la vue la meilleure sur l’ensemble de l’édifice, et par la rue de l’église, du côté du presbytère, pour mieux voir la partie la plus ancienne – première moitié du 13ème siècle – et en particulier les arcs-boutants qui s’harmonisent si bien avec le clocher.
Le clocher – et sa flèche torse, cela ne fait qu’un – est une des parties de l’église qui étonnera le plus ; l’ensemble donne une impression de mesure et de grâce encore plus que d’originalité, et beaucoup sont étonnés quand on leur donne la hauteur de la flèche : 66 mètres ! Ce clocher comprend trois parties : une base carrée, surmontée d’un tambour octogonal, et d’une flèche de charpente pyramidale également à huit pans. « C’est, nous dit M Boitel, un vestige précieux du 13ème siècle, car peu de ces ouvrages sont parvenus jusqu’à nous ; ils étaient trop exposés aux incendies et aux désordres ». En effet, c’est une chance extraordinaire qu’en 1785 on ait pu maîtriser un incendie allumé par l’orage. « Le tonnerre tomba  sur le clocher, disent les mémoires de Guillaume de Bézille, à environ trois toises de la pointe, où il a mis le feu, ensuite l’a traversé jusqu’au bas…Heureusement qu’un jeune homme s’en est aperçu. La consternation a été d’autant plus grande que l’endroit est inaccessible, sinon à quelques ouvriers experts et hardis, ce qui s’est heureusement trouvé. Pour peu qu’ils eussent manqué d’activité dans le secours, ils auraient donné le temps aux plombs de fondre, et il n’était plus possible de se présenter. Si le feu eût sortit du clocher, il brûlait la ville entière….Le soir, on chanta un Te Deum en action de grâces où toute la ville assista ».
Au sujet de la flèche, les visiteurs posent toujours la question : pourquoi cette torsion ? Les architectes et archéologues leur répondront que cette torsion est due à une déformation naturelle, à un travail du poinçon central par suite d’un défaut de contreventement des arbalétriers ; mais certains – dont des artisans – ajouteront que dans la suite des siècles, lors des réfections de la couverture, charpentiers et couvreurs ont sans doute aidé la nature pour obtenir cette régularité qui contraste avec l’irrégularité de presque tous les clochers tors connus – il y en a une dizaine en France.
Si l’extérieur offre déjà tant d’intérêt, l’intérieur n’en présente pas moins. C’est une belle harmonie de lignes et de dimensions : 56 mètres de longueur sur 21 mètres de largeur, la hauteur de la grande nef et du chœur est de 16,20 mètres. C’est une église à chevet plat, comme on en trouve beaucoup dans la région, chevet percé de six fenêtres placées sur deux rangs : celles du rang supérieur portent à l’extérieur un ornement à dents de scie. Du point de vue architecture, remarquons l’inflexion ou renversement de tous les piliers de la grande nef, inflexion tellement régulière, du premier au dernier pilier et des deux côtés, que certains archéologues y ont vu un effet prévu et voulu de l’architecte, tandis que d’autres n’y voient qu’un tassement de la construction. Les quatre énormes piliers qui soutiennent le clocher sont heureusement ornés de colonnettes qui en diminuent l’effet de masse.
Au transept du côté Nord, on remarque un triforium à claire-voie surmonté d’une belle rosace, et du côté sud, à partir du transept, le collatéral bâti à la fin du 15ème siècle ou au commencement du 16ème, qui comporte, outre la basse nef sud-ouest, une petite chapelle, dite chapelle du Sépulcre. Cette chapelle contient une très belle Mise au Tombeau, récemment restaurée : œuvre pleine de calme « d’intériorité, encore très médiévale d’esprit et de forme », qui s’apparente au style de la vallée de la Loire.
Le visiteur pourra encore admirer bien des œuvres d’art dans l’église : la tribune de l’orgue avec se sculptures de caractère populaire représentant les Douze Apôtres, qui s’inspirent de l’art classique ; un Saint Michel en pierre dont le style est très voisin de la Mise au Tombeau ; une statue de la Compassion de Notre Dame, en bois de merisier, et diverses œuvres dont un chemin de Croix récent qui fait l’admiration des connaisseurs.
Puiseaux peut donc à bon droit être fière de son église ; il faut souhaiter que les travaux de restauration entrepris par les Beaux-arts ces dernières années soient continués. Car, lorsque toutes les fenêtres qui ont été murées seront à nouveau ouvertes et auront reçu de nouvelles verrières, et quand la peinture dont on l’a bariolée aura été complètement enlevée, l’église de Puiseaux réapparaitra dans toute sa beauté primitive, pour la gloire de Dieu et de Notre-Dame.

Le cimetière
Jusqu’à la fin du 15ème siècle, le cimetière était près de l’église, surtout du côté Midi et place Saint Jean. Sous le prieur André Rély, il fut transféré à l’endroit qu’il occupe actuellement Une belle allée de marronniers y conduit. Cette allée fut donnée à la ville en 1680 par Bézille, sieur du Bois-Lalande. On voit encore dans le cimetière la croix de pierre qui marque la tombe du père du donateur ; cette croix ne porte que ces mots : « Poète Bézille – 1664 ».
Dans ce cimetière, sollicitent votre attention :
D’abord une chapelle, probablement construite par le prieur de Rély. On y dit la messe pour tous les défunts, chaque année le 2 novembre. On y remarque une Piété qui ne manque pas de style et sur laquelle on peut lire cette inscription (en caractère gothique) : « F André de Rély, prieur de Puiseaux, a fait faire cette image l’an MD (1500) ».
Une très belle croix centrale, qu’Edmond Michel, premier président de la société archéologique du Gâtinais, croyait de la fin du 11ème siècle ou commencement du 12ème, mais qui est sans doute plutôt du 13ème. L style de cette croix et de  son ornementation est unique dans la région. Vous en trouverez une photographie dans ce journal.
Enfin de nombreuses et curieuses croix funéraires en fer forgé. De telles croix ne sont pas une rareté, mais celles de Puiseaux ont cette particularité que le nom des familles est découpé dans la barre transversale de la croix. Il est à souhaiter que les habitants de Puiseaux conservent soigneusement ce style et ces belles croix ne soient pas jetées… à la ferraille ! Elles peuvent d’ailleurs s’harmoniser très bien avec une belle dalle de pierre de Château-Landon, de granit ou de marbre.
Abbé Lanson
Curé de Puiseaux 

 Article paru en mars 1961 sur Val de Loire Orléanais