Un souterrain moyenâgeux découvert à Ondreville sur Essonne

Un souterrain moyenâgeux découvert près d’Ondreville-sur-Essonne
( La République du Centre 5 janvier 1973)

L’accomplissement de rites superstitieux aurait été son unique fonction
Des poteries « tuées » volontairement
C’est au cours du mois de décembre que Monsieur Crapeau, exploitant de la ferme de « Châtillon » appartenant à Monsieur Ratouy, a découvert d’une manière tout à fait fortuite  un souterrain en plein champ, alors qu’il effectuait ses derniers labours. Sous le poids du tracteur, une partie de la galerie s’effondra brusquement, mettant ainsi au jour plusieurs siècles d’histoire.
La Société Française d’Etude des Souterrains fut immédiatement alertée, et son fondateur et président d’honneur, l’Abbé Nolent, domicilié à Artenay se rendit sur les lieux pour procéder à une exploration minutieuse.
Situé entre les bâtiments de la ferme de « Châtillon » et le vieux moulin de « Charreau », le souterrain, d’une longueur totale de 18 mètres, comporte à chacune de ses extrémités des petites salles de dimensions variables, ne dépassant pratiquement jamais deux à trois mètres de diamètre. Sa construction de type classique avec une galerie longue de 12 mètres suivant un mouvement ondulatoire parallèle à la rivière qui se trouve à proximité. D’une hauteur et d’une largeur d’un mètre environ, on ne peut s’y déplacer que courbé, malgré sa forme en ogive. La proximité de l’Essonne a été à l’origine d’une ou plusieurs inondations du souterrain qui sur toute sa longueur porte une ligne rectiligne indiquant le niveau des eaux.
C’est dans l’une de ses salles situées à chaque extrémité de la galerie que l’on a découvert dans une petite niche au ras du sol, des dépôts de poteries qui auraient été volontairement « tuées » (brisées) afin qu’elles ne puissent plus resservir après la mort de leur propriétaire. Ces débris se composent d’une cupule de lampe à huile où à graisse dont l’origine remonterait au 13ème siècle et d’un fragment de panse avec bec. Fait caractéristique, ces poteries avaient été déposées à l’envers selon la coutume rituelle, afin de mieux souligner leur inutilité après la mort du « maître ».
Une dernière salle, côté nord, près de l’entrée présumée de la galerie, comporte une banquette en demi-cercle taillée à même le tuf. Cette banquette servait aux familiers pour l’accomplissement de leurs rites. L’existence d’un tel souterrain suppose, ainsi que le confirmait l’Abbé Nolent, la proximité d’une habitation, comme l’ont prouvées des découvertes identiques. Bien souvent, l’entrée du souterrain se trouvait à l’intérieur même, pour éviter aux usagers d’être vus et poursuivis par l’Eglise, qui, par le truchement de l’Inquisition, avait ordonné vers 1229 la chasse systématique aux hérétiques.
La fuite n’aurait jamais été la fonction des souterrains
Des souterrains de ce type existent en très grand nombre dans notre région et de nombreux n’ont certainement pas encore été mis au jour. Est-ce pour se cacher et y accomplir des rites interdits qu’ils ont été construits ? Ou bien ces souterrains constituaient-ils des refuges pour l’esprit des défunts ? Cette hypothèse semble prévaloir quant on sait qu’un certain nombre d’entre eux ont été découverts sous des cimetières.
Quoiqu’il en soit, ces souterrains marquent l’existence au Moyen Age de rites mettant en cause les divinités du Bien et du Mal. Une parenté existerait d’ailleurs entre les gravures souterraines de la Roche-Clermault près de Chinon et l’iconographie des cultures Zoroastre qu’on retrouve à la frontière de l’Iran et du Pakistan.

Selon l’Abbé Nolent, spécialiste de l’étude des souterrains dans divers pays du monde, leur fonction initiale n’aurait jamais été la fuite en cas de danger, et seules des coïncidences ou des affirmations trop hâtives auraient conduit à une telle conclusion. Pour illustrer son jugement, l’Abbé Nolent cite entre autres l’exploration d’une cavité à Estouy. On croyait qu’elle conduisait au château de Yèvre le Châtel. Après avoir dégagé l’entrée, beaucoup trop étroite pour livrer passage à un homme, à la suite d’un effondrement, il s’est avéré qu’il ne s’agissait en réalité que d’une cave très ancienne de 4 mètres de côté dont la réplique se trouvait sous une habitation à quelques dizaines de mètres de là.
De nombreuses caves, parfois d’une longueur de 20 à 30 mètres ont été découvertes dans le Loiret. Il s’est avéré à chaque fois qu’il ne s’agissait pas de « sortie de secours » et qu’elles n’avaient aucune issue.
La thèse de l’Abbé Nolent et de la Société Française d’Etude des Souterrains écarte toute fonction de fuite devant des agresseurs éventuels : « La tâche que nous nous fixons est, dans une première période, de promouvoir le relevé de l’inventaire, région par région, de tous ces souterrains creusés par la main de l’homme et ayant servi d’habitat temporaire, de refuge ou de lieu culturel ».
La Société Française d’Etude des Souterrains.
En 1923 paraissait une étude qui devait servir de base à toutes les recherches entreprises « Les souterrains-refuges de la France, contribution à l’histoire de l’habitation humaine » d’Adrien Blanchet. Elle resta pendant des décennies le principal ouvrage de références sur la question. Les études piétinèrent jusqu’à ce que des chercheurs se remettent à l’étude après la dernière guerre, se rendant compte que la réalité était bien plus complexe que l’on se l’était figuré. Outre la fonction de refuge, l’on s’aperçut en effet que bien d’autres motivations avaient pu amener l’homme à creuser ou hanter ces sombres demeures.
En 1960, les études furent reprises. En 1962 était créé un Centre International de Recherches (avec une section française) dont le siège social se trouvait à Artenay. Cette section devenue la Société Française d’Etude des Souterrains, a l’Abbé Nolent pour président d’honneur. Elle compte parmi ses membres de nombreux professeurs d’universités.
Toute découverte susceptible d’intéresser la société pourra être communiquée au président d’honneur domicilié route de Glatigny (tel 80-00-66) afin que des recherches soient entreprises avant que les lieux soient piétinés.